"Tout ça, c'est qu'un ramassé de conneries ! Tu es trop naïve pour t'en rendre compte. Non mais sérieusement, croire en un être suprême... je trouve ça... juste lâche. Tu penses qu'en faisant ce que l'on te dit de faire, qu'en mangeant ce que l'on te dis de manger et en disant ce que l'on t'ordonne de dire, c'est comme ça que tu seras heureuse ? Tu te fous le dois dans l’œil, crois-moi. J'ai longtemps cru, comme toi, que toute notre vie on serait ensemble, toutes les deux. Mais moi aussi je me leurrais. Tout a changé, tu le sais bien. Un jour tu verras, tu ouvriras les yeux et ce jour là, je serais là, pour toi, pour nous.
Je t'aime Poppy, et pour toujours.
Eliannah."

Les larmes envahirent le regard clair de la demoiselle très rapidement, glissant sur ses joues rosies pour finir par atterrir sur le papier froissé. Elle avait mal, terriblement mal. Eliannah était tout, son monde ne tournait qu'autours de cette fille, sa meilleure amie. Et pourtant, en rentrant chez elle cette après-midi là, elle avait trouvé une enveloppe sur son couvre-lit. Un simple mot. Elle avait remarqué le changement de comportement de son amie, depuis quelques semaines, mais jamais, ô grand jamais, elle n'avait songé à un tel virement.
Poppy n'était pas ce genre de fille très expressive, ni même très extravertie. Elle gardait tout au fond d'elle-même tentant d'être une jeune femme propre sur elle et surtout, respectable. Mais cette fois, ce fut plus fort qu'elle. Elle serra les poings, jusqu'à planter ses ongles dans la paume de sa main. Peu importait la douleur. Son cœur lui faisait beaucoup plus mal que ses mains. Elle s'en fichait. La colère montait en elle. Elle sortit alors de chez elle, la rage au plus profond de son être. Elle dévala la petite rue ne portant que peu d'attention aux quelques voisins qui la saluèrent gentiment. Elle arriva devant une petite maison blanche, très mignonne et sans demander quoique ce soit, elle entra dans l'habitat. Deux adultes vinrent à sa rencontre, la femme âgée d'une quarantaine d'année pleurant dans les bras de son mari, un homme du même âge. Poppy leur lança un bref regard avant de monter les escaliers et d'entrer en un fracas dans la chambre de celle qui fut longtemps sa meilleure amie. Elle se stoppa d'un coup, à la vue d'Eliannah, en train de faire ce qui semblait être une valide. Elle partait ? Mais où ? Et pourquoi ? Le regard de Poppy était dur, son cœur battait beaucoup trop rapidement, ses joues étaient en feux. Eliannah se retourna vers son amie, le sourire aux lèvres. Elle s'approcha d'elle, souriante et posa une main sur l'épaule de la blonde. Main que cette dernière rejeta rageusement. Eliannah esquissa un sourire, haussant les épaules avant de retourner à son activité première. "- Tu fais quoi là ?". Question posée sur un ton des plus agressifs. Poppy ne faisait pas dans la dentelle et cela fit sourire Eliannah un peu plus. "- Ça ne se voit pas ?". La colère monta un peu plus chez l'adolescente. Elle était prête à exploser et c'est rapidement qu’elle s'approcha de la demoiselle, près de son lit où était installée la fameuse valise. "- Et t'as l'intention d'aller où ?". Toujours ce ton froid et dur qu'elle n'avait pas vraiment l'habitude de prendre avec cette véritable sœur de cœur. "- J'en sais rien, mais ça sera toujours mieux qu'ici !". Poppy ne put s'empêcher de lâcher un soupire. Rageusement, elle balança la lettre écrite par sa vis-à-vis sur la valise de cette dernière, la regardant d'une telle façon que cette dernière ne put vraiment détourner l’interrogation : pourquoi ? "- J'en ai marre Poppy. J'en ai marre de devoir prier avant de manger, de devoir aller à la messe, de devoir faire semblant de croire en un être supérieur. je vis une vie qui n'est pas la mienne... et c'est pareil pour toi !". Poppy leva les yeux au ciel. Elle ne la croyait pas. Eliannah avait grandi dans la religion, tout comme elle et jusqu'ici, il n'y avait jamais eu de véritable problème avec cela. Eliannah sembla percevoir la peine de la blonde par dessous cette masse de colère. Elle s'installa sur son lit, invitant la blonde à s'assoir à côté d'elle. "- Ça fait longtemps que je ne supporte plus tout ça. Si j'ai tenu, c'est pour toi Poppy, mais je ne compte pas passer ma vie à faire semblant. Pour moi, c'est des conneries. J'en ai marre, je m'en vais...". Assise, la colère semblait redescendre. Eliannah utilisait ce ton doux qui apaisait tant la blonde. Ce qu'elle disait transperçait le cœur de la demoiselle. Son regard se mouilla pour la seconde fois et la voix brisée par la tristesse, elle s'exprima. "- Mais Eli, je vais faire quoi moi sans toi ?". Le regard de la brune sembla s'illuminer et après avoir haussé les épaules, elle reprit la parole : "- Viens avec moi !". S'en était trop. Poppy se releva, les larmes dévalant indéfiniment ses joues, elle était en colère, elle avait envie de pleurer, frapper et crier son désespoir. "- ELI T'ES FOLLE, COMPLÈTEMENT FOLLE ! QUE TU VEUILLES GÂCHER TA VIE EST UNE CHOSE, MAIS NE M'Y ENTRAINES PAS. T'AS QUE QUINZE ANS BORDEL !". Elle avait mal, si mal. Tous ses membres tremblaient, son corps était transpercé de spasmes violents. Elle la haïssait à ce moment précis. Sa meilleure amie l'abandonnait, la laissait et tout ça parce qu'elle avait perdu sa foi. La seule qui avait toujours compté, la seule pour qui elle aurait donné sa vie. "- Tu sais quoi Poppy ? Un jour tu te rendras compte que j'ai raison et ce jour là, tu trouveras le moyen de me contacter et je serais là pour toi.". Eliannah était désormais debout face à son amie. Étrangement calme alors que Poppy était prête à exploser. cette dernière se tue. Que devait-elle dire de toute façon ? Eliannah tourna alors les talons, ferma sa valise et sortit de sa chambre. Ses parents pleuraient dans le hall et la brune ne leur accorda pas un seul regard. Elle sortit alors de la maison, entrant dans une voiture conduite par un homme tatoué. Poppy voyait la scène de la fenêtre de la chambre de sa meilleure amie. Elle la regarda s'éloigner, impuissante. Elle venait de perdre ce qu'elle avait de plus précieux.

Trois, deux un. La sonnerie se fit alors entendre par tous les étudiants. Poppy attrapa les quelques livres qui trainaient sur son bureau et les enfourna dans son sac, se levant ensuite pour prendre la sortie. Elle allait enfin rentrer chez elle après une journée de cours bien remplie. Poppy était bien vue à l'école. Plutôt douée, elle était l'une des meilleures de sa classe. Elle était également déléguée de classe et membre de la vie étudiante. Très active, elle aimait bien ce pouvoir qu'elle semblait avoir. Les responsabilités ne lui faisaient pas peur et si beaucoup l’appréciait, elle avait tendance à passer ses journées à faire diverses activités. Sa vie sociale était limitée et ses vrais amis ne se limitaient qu'à quelques personnes. Parfois, elle se sentait terriblement seule, le manque de cette meilleure amie se faisant de plus en plus ressentir depuis quelques temps. Eliannah lui manquait et pourtant en deux années, elle n'avait pas eu le moindre signe de vie de cette dernière.
Poppy traversait instinctivement les couloirs, se rendant vers la sortie. Tous les lycéens étaient déjà sortis contrairement à la petite blonde qui prenait son temps, son sac en bandoulière sur son épaule droite, quelques bouquins pressés contre sa poitrine. Une fois qu'elle eut traversé le portail, elle tourna à sa droite, s'engageant dans une petite ruelle. La nuit tombait peu à peu et malgré ses dix-sept ans, Poppy n'avait pas de voiture. D'ailleurs, ça n'était pas la seule chose dont elle manquait puisqu'elle n'avait ni lecteur musical, ni même de téléphone portable. Ses parents n'en voyaient pas l'utilité et puis Poppy ne se posait pas vraiment la question. Elle s'en fichait un peu à vrai dire. Elle marchait tranquillement lorsqu'une voix la fit sursauter. "- Salut gamine !". Lui. Elle lui lança un regard sombre avant de reprendre sa marche, serrant un peu plus fort ses livres contre sa poitrine.
Elle ne savait pas qui il était, ni ce qu'il lui voulait, mais tous les soirs, il était là, adossé contre le mur de ce vieux bâtiment, à l'attendre. Il ne lui semblait pas sympathique et ne voulait même pas savoir si c'était fondé ou non. Elle s'en fichait et puis il lui brisait sa petite routine ce qui avait tendance à l'énerver. Elle crut entendre le rire mélodieux du jeune homme avant de le voir apparaitre dans son champs de vision, le sourire aux lèvres. Il fallait bien l'avouer, il était vraiment très mignon. Un peu relâché au gout de la demoiselle, mais son visage angélique avait tendance à resté graver dans sa mémoire. Il se posta devant elle, l'empêchant de faire un pas de plus. Cela ne découragea pas la blonde qui fit un pas vers la gauche pour le détourner. Mais ce n'était pas de l'avis du jeune homme qui fit lui aussi un pas sur le côté. La demoiselle réitéra à droite, toujours la même histoire. Elle soupira alors, se décidant à lui lancer un regard. "- Quoi ?". Rien d'agréable en soit et qui pourtant fit encore plus sourire le jeune rebelle. Blond aux yeux bleus, son visage angélique la faisait totalement craquer. Et pourtant, il n'était pas de son monde, elle le savait pertinemment. Il était arrivé en ville depuis quelques mois. Il devait avoir la vingtaine et était très certainement musicien. Il se fichait de tout et semblait ne rien faire de ses journées à part attendre l'arrivée de la demoiselle. "- Je donne un petit concert ce soir...". Il souriait toujours autant, Poppy ne pouvant détacher son regard de son visage si parfait. Pourtant la fierté prit comme toujours le dessus et elle haussa les sourcils. "- Et alors ?". Au fond, elle voulait savoir. Qui il était, pourquoi est-ce qu'il était ici, ce qu'il avait vécu... mais c'était plus fort qu'elle, elle le rejetait sans cesses. Et puis pourquoi un type comme lui lui portait une telle attention. Il haussa les épaules et s'approcha d'elle. Tout près, elle sentait son souffle sur sa peau, son cœur s'emballa alors, son même qu'elle ne le contrôle. Il s'exprima pour la troisième fois, dans un souffle : "- J'aimerais que tu viennes !". Le regard de la blonde s'agrandit alors, sous le choc. Quoi ? Elle ? Aller à un concert de rock ? Il se foutait d'elle ! Il s'éloigna alors un peu d'elle, sourire aux lèvres. Il dut lire l'étonnement sur son visage et lui déposa un papier dans son sac avant de tourner les talons et de disparaitre aussi rapidement qu'il était apparu. La jeune femme était tellement choquée qu'elle ne savait ni quoi dire, ni quoi faire. Trois bonnes minutes plus tard, elle sortit de sa stupeur et attrapa le papier que lui avait déposé le jeune homme. Un papier lui donnant l'adresse du bar dans lequel il jouait et l'heure.

La musique criait dans ses oreilles et pourtant, après quelques minutes, la blonde s'y habitua. Son rythme cardiaque était rapide, l’adrénaline probablement. Elle avait craqué et pour la première fois de sa vie, elle avait désobéit. Bien sûr, elle n'avait pas demandé à ses parents si elle pouvait aller à l'extérieur de la ville, un soir de semaine, dans un bar miteux rempli de gens puant l'alcool, mais elle savait parfaitement qu'elle n'avait pas le droit. Pourtant, après de longues heures à y songer, elle avait fait le mur, prit son vélo, et pédalé jusqu'au fameux bar. Il faisait nuit noire, la foule euphorique ne laissait que peu de place à la blonde, peu habituée à ce genre d'ambiance. Elle ne savait même pas qu'un tel endroit pouvait exister. Elle se fit draguer par deux ou trois vieillards avant de gentiment les rembarrer et trouver une petite place dans un coin, non loin de la petite scène. Alors, trois coups se firent entendre et là, elle le vit. Sur scène, derrière ce qui semblait être une basse. Il avait donc un groupe de musique et comme il le lui avait promis, il jouait. Pour la première fois de sa vie, Poppy se sentit libre. Elle ferma les yeux pour mieux apprécier la musique, cette musique criant dans ses tympans, cette musique si agressive. Et pourtant, elle adorait. Trois autres gars étaient eux aussi sur scène. Elle qui avait l'habitude des chants classiques se retrouvait dans un univers complètement délirant. Lorsqu'elle rouvrit les yeux quelques minutes plus tard, elle le vit alors, lui et son incroyable regard clair qui était posé sur elle, cet éternel sourire au coin de ses lèvres. Elle frissonna, mordillant sa lèvre inférieure frénétiquement. Il lui faisait un effet monstre. Jamais un garçon ne lui avait donné autant de passion. Et pourtant elle ne le connaissait pas, elle ne savait même pas son prénom. Le concert fut rapide, beaucoup trop rapide d'après la demoiselle qui n'avait vu les minutes défiler. Le jeune homme disparut alors de la scène, laissant un gout amère à la blonde qui finit par se frayer un chemin à travers la foule, se retrouvant dehors le bar. Quelle soirée ! Elle s'éloigna alors dans la nuit, serrant son gilet contre sa poitrine, la légère brise lui donnant des frissons, ou était-ce le souvenir du jeune homme ? Elle n'en savait rien. Elle finit par récupérer son vélo, dans un coin caché et alors qu'elle allait monter dessus pour rentrer chez elle, elle sentit une pression sur son bras et se retrouva nez-à-nez avec l'artiste. "- Tu es venue finalement !". Il semblait heureux à en voir son sourire dévoilant deux rangées de dents blanches parfaitement alignées. Il était si beau qu'elle en eut le souffle coupé. Elle fut incapable de sortir le moindre bruit de sa gorge et se contenta de hausser positivement la tête ce qui fit rire le jeune homme. "- Tu pars déjà ?". Il semblait déçu ce qui accéléra les rapides battements du cœur de la demoiselle. "- euh... oui...". Pitoyable. Une petite voix guillerette et hésitante était sortie de sa gorge et elle finit par rougir. Il lui attrapa doucement la main provoquant mille et un papillons au creux du ventre de la jeune fille. "- Je m'appelle Joey...". Un diminutif de Joseph, surement. Elle lui sourit alors, après avoir longuement observé leurs mains enlacées et prit une seconde fois la parole. : "- Poppy...". Et là à son plus grand étonnement, il lui lança un "- je sais" qui froissa quelque peu la blonde. Il soupira alors se décida à avouer : "- j'étais un ami de Eliannah...". Quoi ? La blonde fronça immédiatement les sourcils. "- Je l'ai croisé un jour, elle dormait sur un banc. Je l'ai invité à dormir chez moi et on est devenus amis.". Elle ne savait plus quoi penser, plus quoi dire, elle était perdue et le souvenir de sa meilleure amie lui donna un air nostalgique. "- Elle m'a beaucoup parlé de toi et quand...". Il semblait bloqué par quelque chose et serra un peu plus la main de la demoiselle dans la sienne. "- Quand elle est morte, j'ai voulu te voir de mes propres yeux...". Quoi ? Eliannah morte ? C'était quoi ce délire ? Poppy lâcha la main du jeune homme, tandis qu'il l'observait minutieusement. Elle fit un pas en arrière. "- Qu... Quoi ?". Le jeune homme s'approcha d'elle, protecteur et bienveillant. "- Eli est décédée l'année dernière. Overdose.". Poppy posa une main sur sa bouche, les larmes coulant sur ses joues. Bizarrement, elle s'était toujours dit qu'un jour, elles seraient de nouveau réunies. Elle avait passé sa vie à ses côtés et n'avait même pas été là durant les dernières heures de sa courte vie. Voyant l'état de la demoiselle, Joey s'approcha un peu plus d'elle et la serra dans ses bras. La blonde se laissa alors aller, laissant sa tristesse parler, pleurant toutes les larmes de son corps.


Deux mois. Cela s'est passé il y a deux mois. Depuis, Poppy a changé. Distante, parfois absente, elle se détache de l'emprise de la religion et de ses parents sur elle. Joey est devenu essentiel à sa vie. Ils se voient très souvent et il a la mauvaise manie de l'appeler "gamine". Elle reste discrète et pourtant, elle aime ces moments passés avec lui. Il est son opposé le plus total. Et pourtant elle l'aime, elle l'aime à en crever. Mais cet amour lui est interdit. Pourtant, elle sait que quelque chose change en elle, mais quoi ? Il lui fait découvrir un autre aspect de la vie, un aspect plus délirant et moins stricte et si elle se cache, elle aime ça. pourtant, elle reste pieuse et tente de réfréner l'autre Poppy, longtemps éteinte en elle...